Comme nous l’expliquions dans notre article précédent sur l’industrie du jeu vidéo (voir l’article publié sur notre site Web le 13 novembre 2019), il devient de plus en plus coûteux de développer et de lancer des jeux vidéo. En effet, la plupart des développeurs mettent des années à peaufiner leurs projets, consacrant des centaines, voire des milliers d’heures à la création et à la production d’un jeu. Certains développeurs choisissent même de lancer une version bêta de leur produit afin de créer un buzz marketing et d’obtenir les fonds nécessaires pour terminer les aspects de leur jeu qui ne sont pas encore au point. Leur seule contrainte : un jeu lancé en version bêta doit être suffisamment avancé pour que les consommateurs puissent jouer et profiter du produit qu’ils ont acheté.
L’Agence du revenu du Canada (ARC) exige que toutes les entreprises utilisent la méthode de la comptabilité d’exercice plutôt que la comptabilité de trésorerie pour constater leurs revenus et leurs dépenses. Selon cette méthode, l’entreprise doit déclarer un revenu dans l’année d’imposition au cours de laquelle la somme été facturée ou au cours de laquelle le contrat stipule que la somme a été reçue. De plus, les dépenses doivent être déduites l’année où l’entreprise est légalement tenue de les payer, où la somme due peut raisonnablement être établie et où l’entreprise reçoit les biens ou les services en question. Lorsqu’un développeur lance un jeu vidéo ou une version bêta d’un jeu, il est souvent payé d’avance pour la version bêta qu’il fournit avant la livraison du produit final; la comptabilité d’exercice limite les possibilités de report, obligeant le développeur à inclure les sommes qu’il reçoit dans la déclaration de revenu l’année même où le revenu est constaté aux fins des états financiers.
En vertu du sous-alinéa 12(1)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), toute somme que reçoit le contribuable au cours d’une année d’imposition, dans le cadre des activités de l’entreprise, au titre de services non rendus ou de marchandises non livrées avant la fin de l’année ou qui, pour toute autre raison, peut être considérée comme n’ayant pas été reçue cette année-là ou une année antérieure, doit être incluse dans le calcul du revenu que le contribuable a tiré de l’entreprise au cours de l’année.
Si une somme est incluse dans le revenu d’un contribuable en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(i) de la LIR, l’alinéa 20(1)m) de la LIR prévoit le report facultatif de l’impôt sur ce revenu constaté d’avance en permettant au contribuable de déduire, dans le calcul du revenu tiré de l’entreprise pour une année d’imposition donnée, un montant n’excédant pas une provision raisonnable au titre :
a) des marchandises qui, selon ce qu’il est raisonnable de prévoir, devront être livrées après la fin de l’année,; ou
b) des services qui, selon ce qu’il est raisonnable de prévoir, devront être rendus après la fin de l’année.
Par conséquent, il est normalement possible de reporter l’imposition de la somme reçue à l’année où cette somme sera véritablement encaissée, année qui correspondrait, dans le cas qui nous intéresse, à l’année où le jeu serait mis en vente. Si un montant est remis ou remboursé au client par la suite, une déduction finale est possible en vertu de l’alinéa 20(1)m.2) de la LIR dans l’année du remboursement. Fait intéressant, la provision visée à l’alinéa 20(1)m) de la LIR ne s’applique pas à tous les revenus reportés; chaque cas doit être analysé individuellement, en fonction des critères applicables à la provision. Ces provisions peuvent également s’appliquer à certaines techniques de sociofinancement dont il a été question dans notre article précédent.
En vertu de l’alinéa 12(1)e) de la LIR, la provision demandée au cours d’une année donnée est réintégrée au revenu de l’année suivante. Il est toutefois possible de demander une provision additionnelle l’année suivante pour les marchandises devant être livrées ou les services devant être rendus au cours d’une année ultérieure, et ainsi de suite jusqu’à l’année où les marchandises sont livrées ou les services sont rendus, auquel cas il ne peut plus être possible de demander de provision.
Quant aux taxes de vente, elles sont payables par le client au moment de l’achat des marchandises et sont basées sur le montant total facturé à la date indiquée sur la facture. Le montant ainsi reçu ne donne droit à aucune réduction ni à aucune provision.
Pour en savoir plus sur la façon dont votre entreprise pourrait optimiser sa situation fiscale et vous assurer qu’elle se conforme aux exigences en matière d’impôt sur le revenu et de taxes de vente, veuillez communiquer avec votre conseiller Crowe BGK.
À propos de l’auteur
Aaron Patrick Belcher, CPA, CGA, est fiscaliste chez Crowe BGK
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