Dans le contexte de la démission du premier ministre Trudeau, le Parlement canadien a été prorogé jusqu’au 24 mars 2024. De ce fait, les contribuables se retrouvent dans une situation de grande incertitude relativement au taux d’inclusion applicable aux gains en capital réalisés après le 24 juin 2024. Cette situation est particulièrement déplorable alors que la saison des impôts s’amorcera sous peu.
Quelles sont les mesures proposées relativement aux gains en capital?
Les mesures proposées prévoient une augmentation du taux d’inclusion des gains en capital réalisés après le 24 juin 2024, passant de 50% à 66.67% pour les sociétés et la plupart des fiducies. Pour les particuliers et les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs, seule la portion des gains en capital réalisés au cours d’une année excédant 250 000 $ sera assujettie au nouveau taux de 66.67%
Disposition transitoire pour 2024
Pour l’année de transition 2024, les mesures proposées prévoient que le plafond annuel de 250 000 $ sera pleinement utilisable (c.-à-d. qu’il n’y a pas de calcul au prorata) et s’appliquera seulement sur les gains en capital nets réalisés entre le 25 juin 2024 et la fin de l’année 2024 (moins, si applicable, toutes pertes en capital nettes réalisées entre le début de l’année 2024 et le 24 juin 2024).
Pourquoi y a-t-il de l’incertitude?
Avant la prorogation du Parlement, les modifications proposées avaient fait l’objet d’un avis de motion de voies et moyens présenté en chambre par le ministre des Finances. Ces changements n’avaient pas acquis le statut de loi puisqu’aucun projet de loi n’avait été adopté par le Parlement. Ainsi, de prime abord, on pourrait penser que les modifications proposées sont inapplicables en ce moment.
Or, il existe une convention parlementaire qui s’applique spécifiquement aux mesures fiscales. Quand un avis de motion de voies et moyens est présenté et qu’il introduit une mesure fiscale, la mesure est considérée comme entrant en vigueur au moment prévu dans ladite mesure (le 25 juin 2024 dans la présente situation) et ce, même si la mesure n’a pas encore été formellement adoptée par le Parlement. De plus, historiquement, afin d’assurer aux contribuables plus de prévisibilité, il est très fréquent pour un gouvernement nouvellement élu de réintroduire en chambre les mesures fiscales annoncées par le gouvernement précédent.
En ce qui concerne la présente situation, l’ARC a exprimé son intention d’appliquer la convention parlementaire ci-haut décrite. Sur son site web, l’ARC affirme ce qui suit : « Malgré la prorogation du Parlement, l'ARC continuera d'administrer la législation proposée sur les gains en capital. » L’ARC indique également qu’elle émettra les formulaires pour permettre aux contribuables de déclarer les gains en capital conformément aux nouvelles règles d'ici le 31 janvier 2025, et qu’un allègement des intérêts et pénalités sera accordé aux sociétés et aux fiducies touchées par les changements et dont la date d’échéance pour produire leurs déclarations est au plus tard le 3 mars 2025.
À notre avis, dans le présent cas, la décision de l’ARC d’appliquer les mesures proposées sur les gains en capital est questionnable. En effet, le contexte politique actuel est tel que la probabilité de voir ces mesures d’être adoptées est moindre que dans une situation normale. L’ARC aurait dû se montrer sensible à cet aspect, et une approche différente aurait été plus appropriée dans les circonstances.
En effet, malgré les précédents historiques, la situation actuelle est unique puisque les mesures proposées impactant les gains en capital représentent un changement majeur au régime d’imposition canadien. De plus, il est presque certain qu’une élection générale aura lieu au Canada très rapidement quand la nouvelle session parlementaire débutera suivant la fin de la prorogation du Parlement. Selon le parti qui gagnera cette élection, le prochain gouvernement pourrait très bien décider de ne pas réintroduire les mesures relatives aux gains en capital qui ont été annoncées précédemment. Dans ce cas, le taux d’inclusion de 50% pourrait continuer de s’appliquer à tous les gains en capital comme si aucune mesure d’augmentation n’avait été annoncée.
Par ailleurs, d’un point de vue pratique, il est à noter que le Manuel de la vérification de l’impôt sur le revenu de l’ARC prévoit que l’ARC ne peut pas exiger que les contribuables produisent leurs déclarations de revenus en fonction de modifications législatives si ces modifications ne sont pas avantageuses pour ceux-ci. Cependant, si un contribuable choisit de ne pas appliquer les changements législatifs proposés et que ces changements deviennent subséquemment loi, ce contribuable devra alors payer des intérêts sur les sommes dues à partir de la date d’exigibilité du solde (sous-réserve de l’allégement annoncé par l’ARC et mentionné ci-haut).
Que faire maintenant?
Considérant la situation sans précédent dans laquelle nous nous trouvons, nous vous conseillons de contacter votre conseiller Crowe BGK afin de discuter des détails spécifiques de votre situation et décider comment vous désirez déclarer les gains en capital que vous avez réalisés après le 24 juin 2024. Crowe BGK est heureux d’apporter son aide aux clients qui feront le choix d’utiliser le taux d’inclusion de 50% pour déclarer ces gains.